Que se passe-t-il lorsque l’équilibre de la société est menacé? Si les situations extrêmes sur- viennent régulièrement, les réactions des hommes face à ces phénomènes sont des plus dif- férentes. Dans leur première création commune, Kinsun Chan et Martin Zimmermann explo- rent de façon abstraite et surréelle nos modèles comportementaux typiques lors de situations extraordinaires. Wonderful World sonde les réponses individuelles apportées à cette situation et illustre, à travers la danse, la lutte constante avec soi-même et avec le changement. Le plancher de la scène est mobile et s’incline au gré des mouvements, même infimes, des dan- seuses et des danseurs: une situation extrême pour une scène de théâtre. L’exercice est pé- rilleux, mais les protagonistes tentent inlassablement de trouver leur chemin dans ce décor instable. L’envie de relever le défi est plus forte que la crainte du danger, aussi le numéro d’équilibriste recommence-t-il de plus belle, le sol risquant de se dérober à chaque fois sous les pieds des danseuses et danseurs… Le contrôle se mêle au chaos et le tout aboutit à un acte de rédemption libérateur.

Les deux chorégraphes travaillent avec les membres de la compagnie de danse du Theater St.Gallen. Aux 16 danseuses et danseurs viennent s’ajouter plusieurs marionnettes grandeur nature. Le public se trouve ainsi face au dilemme de savoir qui est la marionnette de qui. À partir du numéro d’équilibriste individuel des personnages, le chaos se propage sur scène: alors que le nombre de corps semble augmenter sans cesse, certains individus menacent de disparaître dans la masse humaine. La lutte commence: quand tombe-t-on dans des structures hiérarchiques et quand la solidarité prend-elle le dessus? Le plancher de la scène est au cœur de l’action, obligeant les protagonistes à faire preuve d’une impressionnante virtuosité dans une lutte à la fois absurde, drôle, triste et tragique pour conserver leur équilibre. La scénogra- phie crée un espace qui exige une adaptation et des réactions constantes au changement. Chaque mouvement pourrait être le dernier. Comment est-ce que les différents personnages gèrent cette incertitude? Les costumes reflètent ces différences et laissent transparaître, à l’image d’un kaléidoscope, les caractéristiques individuelles.

La rencontre de Martin Zimmermann et de Kinsun Chan, c’est aussi la rencontre de deux mondes et de perspectives artistiques très différentes. Kinsun Chan dirige la Tanzkompanie St.Gallen depuis la saison 2019/20 et Martin Zimmermann est une personnalité importante de la scène internationale de la danse contemporaine et du nouveau cirque. Une longue amitié et une admiration réciproque pour leur travail artistique unit les deux chorégraphes. Avec Won- derful World, ils se lancent pour la première fois dans une collaboration créative. Au premier abord, leurs esthétiques semblent antagoniques: la griffe de Martin Zimmerman est l’humour, la magie et l’absurdité qui se retrouvent dans les scènes surréelles et sauvages qu’il crée. Kinsun Chan imagine, quant à lui, des images fortes en recourant à l’abstraction et à une esthétique qui se définit par des lignes claires. Leur point commun est l’espace, qui devient le contenu même de l’œuvre. C’est ainsi que débute Wonderful World. Alors que Martin Zimmermann se concentre sur un personnage et l’étudie en se déplaçant de l’intérieur vers l’extérieur, Kinsun Chan prend son point de départ dans l’apparition extérieure et progresse vers le centre. Le résultat de cette passionnante collaboration qui s’opère en parallèle est une pièce qui offre des images incroyables et relie des formes esthétiques avec des caractéris- tiques profondément humaines.